dimanche 28 février 2010

Interview Eldorado : Ryan Adams

En marge de notre dossier "Rock'n'roll, années 00", nous publions aujourd'hui une interview inédite de Ryan Adams.
D'autres surprises sont à venir...


En 2008, alors qu'il était sur le point d'arrêter la musique (il a, depuis, repris…), Ryan Adams s'entretenait longuement avec Sylvie Simmons. Voici ce qu'il avait à raconter au sujet de Heartbreaker

Vous dites que Heartbreaker est un disque très marquant dans votre carrière. Pour quelle raison ?
Après avoir passé pas mal de temps avec Whiskeytown, j'avais fini par me lasser. Il y avait des choses que je n’aimais plus. J’avais été vraiment très déçu par l’album Strangers Almanac. Principalement parce que nous avions perdu notre line-up original... Plus rien ne fonctionnait correctement et je nageais dans un terrible imbroglio financier. J’étais en pleine banqueroute. A l’époque où nous avons terminé Pneumonia, notre dernier album, je vivais à New-York. Le disque ne sortait toujours pas et notre label était sur le point de nous virer... En plus, ma relation avec ma copine commençait à battre de l’aile et je n’avais plus un rond pour payer notre loyer. Du coup, elle est partie et je me suis retrouvé complètement seul.

Comment vous êtes-vous retrouvé à Nashville pour enregistrer ce disque ?
A ce moment, j’ai rencontré un manager dont je tairai le nom et qui, très généreusement, m’a dit : “Ramène-toi à Nashville, je te trouverai un endroit où crécher et je t’avancerai du blé…” D'après lui, il y avait dans cette ville beaucoup de musiciens – dont Gillian Welch et David Rawlings – qui avaient très envie de travailler avec moi. Forcément, je n’ai pas hésité longtemps… De toute façon, aller là-bas était la seule chose à faire pour moi. Malheureusement, une fois sur place, j’ai vite déchanté. C’était vraiment spartiate... Je n’avais pas de voiture et j’habitais dans une maison complètement vide. J’étais la seule personne qui y vivait et, en plus, la maison était infestée d’araignées énormes et extrêmement venimeuses. Si l'une d'elles me piquait, je pouvais vraiment en crever ! Dieu merci, il y avait encore de l’électricité et de l’eau courante, mais c'était tout. J’avais placé une lampe dans un coin, je me planquais sous l’escalier et je dormais à même le sol, enroulé dans ma veste.

Comment s’est déroulé l’enregistrement ?
Dès qu'Ethan Johns est arrivé, notre entente a été parfaite. Le dernier Whiskeytown avait été mixé par Scott Litt et Chris Damey mais, déjà à l’époque, j'avais milité pour qu'on choisisse Ethan. J’adorais son travail. Ses mixes possèdent une telle pureté ! A cette époque, tout le monde succombait à Pro-Tool et tout semblait très propre, policé à l’extrême. Moi, je voulais retrouver le mystère des productions d’Ethan, ce son typique de vieille église. Lors des sessions de Heartbreaker, j’étais la plupart du temps seul avec lui au studio, dans la pièce qui avait été utilisée pour enregistrer Blonde On Blonde, il me semble… Nous prenions bien soin de ne rien rajouter dans le studio. Les lumières étaient crues et nous n’utilisions que du matériel analogique. Ethan faisait sa balance-son en plaçant dans l’espace des micros énormes et très anciens, directement branchés dans la console. De temps en temps, Gillian et David passaient jouer sur quelques titres, puis on voyait débarquer Emmylou (Harris)… C'était incroyable ! Pourtant, chaque soir, Ethan s’en allait et je me retrouvais obligé de retourner dans cette satanée maison hantée… Je passais donc mes soirées à écouter, sur un minuscule poste de radio, les formidables stations de Nashville qui diffusaient du Cole Porter et des ballades d’Otis Redding. Et, le lendemain, on repartait pour un tour…

Pourquoi avez-vous choisi d'ouvrir l’album sur une confrontation entre vous et David Rawlings au sujet de la compilation Suedehead de Morrissey ?
Oh, il s'agissait plus d'une discussion à bâton rompu que d'une vraie confrontation… D'ailleurs, si je me souviens bien, nous parlions surtout du titre “Hairdresser On Fire”… En fait, on se demandait si c’était sur le premier ou sur le second album. Mais Rawlings avait un album sur cassette où il y avait “Interesting Drugs” et tous les singles, une sorte de compilation… Du coup il était un peu perdu. Comme moi, Rawlings et Welch adoraient ces titres… Cette conversation a été saisie durant l’enregistrement de “To Be Young (Is To Be Sad, Is To Be High)”. On était en plein dans ce titre à la Dylan et c’était de la folie. Je n’ai jamais fini les textes de cette chanson, parce que David ne voulait pas arrêter le processus de création de ce morceau. Pour lui, les paroles devaient toujours évoluer. C’était très excitant parce que nous ne savions vraiment pas où nous allions. Nous n’avions que quelques points de repères, avec l’idée que tout devait changer en permanence.

Vous souvenez-vous de vos intentions pour ce premier disque ? Il y a souvent un enjeu important pour un musicien qui tente l’aventure solo…
Je n’avais aucune attente particulière. De toute façon, j’avais dans l’idée que ma carrière était définitivement terminée. Je pensais que j’allais désormais faire des disques modestes, me trouver un boulot stable et tourner un peu, de temps en temps. Et je ne sais pas comment c’est arrivé, mais tout s’est emballé très vite avec cet album. Le seul problème c’est que ce disque m’a mené à la signature avec Lost Highway, mais pour de mauvaises raisons. Et même si je ne cessais de leur dire qu’il y avait d’autres facettes de ma musique que je voulais explorer, eux s'entêtaient à me voir comme un grand espoir de la country contemporaine…


Retour en images sur cette période avec A Heartbreaker Road Trip ce documentaire en deux parties sur la tournée qui a suivi la sortie d'Heartbreaker :






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